« Avant d’arriver là, je dormais un peu dehors, dans ma voiture, dans une colocation. Maintenant, j’ai un chez moi tout seul, c’est mieux. Je peux ramener mes enfants, je peux faire des Monopoly avec eux. C’est la première fois que je peux recevoir mes amis, je me sens plus autonome, je fais tout, tout seul. Je me sens un peu plus homme. »
Yacine est un des 8 locataires de cet immeuble. Ancien sans-domicile fixe, il est logé dans cet immeuble dans le cadre du programme Logement d’abord porté par l’Eurométropole de Strasbourg. Ce programme vise à proposer prioritairement un logement stable aux personnes à la rue et se pose en alternative aux solutions d’hébergement d’urgence.
Le parquet du salon de Yacine a été entièrement rénové.
Yacine poursuit : « Si je suis là c’est grâce à Entraide et à l’Ilot. Depuis que je suis dans cet appartement, j’ai fait mon permis de conduire, petit à petit l’oiseau fait son lit. C’est une stabilité que je suis en train de construire ici. »
Si les associations Entraide le Relais et l'Ilot participent à ce programme Logement d'abord, c'est parce que l'Eurométropole s'est engagée dans une expérimentation de cette idée née en Finlande. Là-bas, plus personne ne vit dans la rue, les traditionnels aller-retours de la rue vers l'hébergement d'urgence ou l'hôtel pendant des années, c'est terminé. A la place, un logement et un accompagnement social sont proposés directement aux personnes avec ce pari : grâce au logement et à la stabilité qu'il apporte, l'inclusion sociale est plus facile.
Spécialisées dans la lutte contre l'exclusion, les associations l'Ilot et Entraide le Relais gèrent à la fois des accueils de jour et des projets d'hébergement et de logements. H&H Gestion Alsace, l'agence immobilière à vocation sociale qui gère l'immeuble loue ces logements à ces deux associations de lutte contre l'exclusion qui sous-louent ensuite le bien à Yacine. Cela s'appelle l'intermédiation locative.
Anne Merschein, coordinatrice du pôle social d'H&H Gestion Alsace, précise : "On continue à assurer tout l’accompagnement lié au logement (suivi budgétaire, lien avec les travailleurs sociaux de l’Ilot entraide) comme on le fait pour tous les locataires et l'association fait un accompagnement plus renforcé avec un public sortant de la rue. Elles interviennent plus souvent, accompagnement dans les démarches de santé, professionnel… Nous on ne fait pas ça, seulement de l'accompagnement à la gestion budgétaire ou dans des difficultés ponctuelles. Ensuite, au bout d'un moment il y a un glissement de bail. Dans un premier temps, c’est l’association qui prend le bail à la place de la personne puis une fois que le ménage a acquis une certaine autonomie, ils ont un bail direct."
Dans ce logement dont le loyer est plafonné, Yacine trouve, petit à petit, des repères pour structurer sa vie professionnelle et personnelle.
Nériman se sent très bien dans cet appartement fraîchement rénové.
"Je suis super bien ici"
Décohabitation forcée à la suite d’une séparation, travail à temps partiel, chômage de longue durée, il est difficile de se loger lorsque l’on vit ces situations et les logements d’insertion proposés dans cet immeuble sont une réponse notamment grâce à l’accompagnement social proposé aux locataires. Ils sont orientés dans ces logements par le biais d’une commission d’attribution dans le cadre du plan départemental géré par l’Etat, l’Eurométropole et la Caisse d’Allocations Familiales.
"Je ne suis pas de Strasbourg, je viens des Vosges. Je suis venu à Strasbourg pour séparation. J’ai tout recommencé de zéro. Je suis arrivé avec un sachet. Ca va faire un an en novembre que je suis dans ce logement. J’habitais dans un studio avant. Habitat et Humanisme savait que je cherchais plus grand, pour accueillir mes filles aussi. Cet appartement est plus grand, j’ai une cuisine, c’est super calme. On est plus autonome dans un appartement ou il y a la cuisine. Je me suis éloigné du travail mais j’ai gagné en confort. Ici c’est un quartier, c’est calme. Je dors la fenêtre ouverte, il n'y a pas de bruit. Je suis super bien ici." raconte Neriman.
A sa séparation avec son mari, elle quitte les Vosges pour Strasbourg. Pour elle qui n'avait travaillé qu'un an avant d'élever ses trois enfants, ce premier studio puis cet appartement lui a permis de se reposer, de trouver un travail en CDD puis de signer un CDI.
"L’appartement était nickel quand je l’ai eu. J’avais rien à faire. Les escaliers ont été refait. Ils ont été refaits, ils ont fait la peinture. C’est mieux que mon ancien logement. C’est un appart où je suis chez moi. Là-bas je squattais, j’étais sur un clic-clac. Le week-end, j’ai même plus envie de sortir tellement je suis bien. Au déménagement, tout le monde m’a aidé mon frère, mes sœurs, mes neveux. Tout le monde a kiffé l’appartement."
2 personnes sur 3 qui décohabitent (qui quittent un logement qu'elles partageaient avec leur conjoint ou leur famille) sont des femmes. Selon une étude réalisée par l'ADIL75 en 2015, 56,5% des personnes qui décohabitent vivaient dans le logement du couple. 55% le font en raison d'une séparation. Et si 85% des personnes souhaitent accéder à un logement individuel, elles ne sont que la moitié à y arriver. Pire, alors qu'aucun des interrogés ne souhaitait être hébergés chez des proches, un tiers de répondants le sont finalement.
A Schiltigheim, cette situation concerne plus de la moitié des locataires. Elle illustre les difficultés vécues par ces femmes contraintes de quitter leur logement conjugal : dépendance financière vis à vis de leur conjoint, longues périodes de chômage ou d'inactivité professionnelle consacrées à élever les enfants, absence de logements adaptés à leur situation...
Elle le souhaitait, Neriman va profiter du départ des locataires dans un autre logement du parc d'H&H Gestion Alsace pour se rapprocher de son travail. Grâce à son CDI, elle accepte d’avoir un logement plus cher, ce qui permettra de laisser ce logement à un ménage plus pauvre. Dans des meilleures conditions, elle va pouvoir poursuivre la reconstruction de son chez-elle.
Interviews et photos : Yann Lévy https://www.yannlevy.fr/ Les personnes interviewées sont présentées par leur seul prénom pour respecter au maximum leur vie privée.
L’acquisition du bien a eu lieu en octobre 2018 pour 604 000€ par Solifap. Des travaux importants ont ensuite été réalisés à partir de janvier 2021 pour un montant total de 660 000€ : ravalement des façades et isolation par l’extérieur, modification de la toiture, changement des portes intérieures et extérieures, des fenêtres, des chaudières, isolation de la cave, réfection de la cage d’escalier et de la cour.
Les travaux ont été financés grâce au soutien de l'Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat, Action Logement services, l'Eurométropole de Strasbourg et Procivis.