Isabelle est bénévole pour l’association Un Toit qui produit et gère une quarantaine de logements d’insertion à destination des plus précaires dans la région d’Aix-en-Provence. Vincent, est le président de l’association, il anime 25 bénévoles, cherche les failles dans les services de l’Etat pour faire avancer les projets et a même développé une application internet de gestion locative pour faciliter la vie de son équipe. Leur objectif : mettre un toit sur la tête de ceux qui traversent des situations difficiles et les aider à rebondir.
Isabelle Cooremans était agent immobilier près d’Aix-en-Provence mais elle a voulu changer d’air. "Je me suis posé des questions. Je souhaitais faire autre chose, avoir autre chose dans ma vie. L’immobilier c’est assez difficile, concurrentiel, ça n’a jamais correspondu très bien à mon tempérament." Elle saute le pas lors d’une visite au salon des associations. "Je suis tombé sur l’association Un Toit qui cherchait quelqu’un pour la gestion locative. Je me suis rapproché d’eux et ça a matché tout de suite. Ça m’a permis de valoriser des choses que je savais faire."
Avec 3 autres bénévoles, Isabelle a la charge de la gestion locative pour les 40 logements du parc géré par l’association. Etat des lieux, avis d’échéance quittances, réparations des fuites la mobilisent plusieurs dizaines d’heures par semaine. Mais précise-t-elle, "notre accompagnement est administratif et humain. Les locataires sont des gens qui sont dans une situation difficile mais qui vont rebondir. L’idée, c’est qu’ils puissent rester chez nous quelque temps. On les laisse tranquille, il y a le temps de se poser. Et on les accompagne dans leurs démarches. L’objectif c’est que les gens sortent du logement pour trouver une vie plus classique."
Rognes, Bouches-du-Rhône : ces deux maisons accueillent 7 familles dans cette petite ville située à 20km au nord d’Aix-en-Provence.
Parmi les 45 locataires de l’association, Isabelle sent monter une tendance : celle des familles monoparentales, une femme et des enfants. "Je pense à une jeune femme qu’on a logé à Rognes. Elle vivait plus ou moins dans sa voiture, chez un ami ou un autre, avec son petit garçon. Elle avait quitté son conjoint violent. Elle ne voulait pas aller en foyer, à Marseille, par peur de la violence., de l’environnement dans lequel grandirait son fils. À la suite de sa demande de logement social, le CCAS de Rognes nous l’a présentée et elle a été logée chez nous. Ce logement lui a permis de se poser et de retrouver du travail et d’avoir un appartement plus grand dans le parc social. Elle avait besoin d’aide à un moment et c’est vrai qu’on était là pour ça."
Au-delà de son action quotidienne au service des locataires, Isabelle participe à la vie de l’association avec bonheur, elle qui précise qu’elle n’était pas une habituée du monde associatif. "On peut donner son avis sur plein de choses, on aide à faire de la peinture, à travailler sur les projets avec des gens qui sont super et très dynamiques. On m’en faisait un tableau négatif et en fait j’ai trouvé tout autre chose : des gens qui vont au bout. On part une ruine et on met des gens dedans. C’est très concret."
La cuisine aménagée de ce logement rénové à Rognes a été installée par les bénévoles, il n'y avait pas assez de budget pour payer l'installation.
Roberta* habite un T2 dans la maison de Rognes qui compte 4 appartements. A la suite du décès de son compagnon, elle a perdu son travail. C’est le CCAS de la ville qui lui a proposé le logement d’Un Toit, elle qui voulait absolument rester à Rognes « parce qu’il y a des souvenirs… Je m’y plais, c’est un village agréable. »
Comme les autres locataires, elle a emménagé en mars 2019. A l’été 2019, l’équipe d’Isabelle a organisé un apéritif pour créer des liens entre les locataires. "Ça nous permettait de se connaître, qu’on voit les gens. Je ne suis pas trop du genre à aller trop vers les gens, maintenant on s’entend très bien c’est presque l’amitié avec les voisins." témoigne Roberta*.
Cette volonté de recréer des liens, de permettre aux personnes de trouver un logement à où ils vivent, pour éviter d’ajouter le déracinement à des conditions de vie déjà difficiles, c’est le projet de cette association née en 1994, par l’intermédiaire de bénévoles du Secours Catholique, du diocèse et les protestants. Ils se mobilisent et sollicitent un prêt de 1000 francs à plusieurs dizaines de particuliers. Grâce à l’argent mobilisé, ils achètent leur premier bien, qu’ils ont ensuite réhabilité.
Vincent Miletto, le président, raconte les débuts de l’association "Au départ, l’association ne faisait que la production, il y avait une autre association qui faisait la gestion locative. On montait le projet avec nos bénévoles qui sont ingénieurs ou architectes, on surveillait les chantiers comme un particulier le ferait. Au début des années 2000, il y a eu une période de sommeil, on avait du mal à trouver des opérations. On a redémarré en 2006 en sortant de la ville d’Aix pour aller vers les communes du territoire. On s’est mis à gérer en direct. En 2011 on a eu l’agrément pour la maîtrise d’ouvrage d’insertion et on nous a demandé un engagement de volume. On s’est mis à rechercher activement des opérations. On arrive à faire 4–5 logements par an depuis 2013, contre 1 par an auparavant. On a réussi à être un acteur qu’on sollicite. Les deux dernières affaires, c’est la mairie de Rognes et le diocèse qui nous les ont apportées. On est connus."
Cette maison située à Peyrolles-en-Provence est aujourd’hui en travaux. 7 logements permettront d’accueillir des familles modestes.
Pour autant l’association connait aussi ses limites, notamment dans l’accompagnement des locataires. "Nous on est capables de s’occuper des problèmes de logement mais les aider à trouver du travail, c’est devenu trop complexe. On essaye de trouver des associations pour prendre le relais, sur le travail, sur les addictions, sur le suivi psychologique. On veut se limiter à ce qu’on sait faire."
Ce qu’ils savent faire, c’est monter des projets, le dossier de financement, naviguer dans les méandres de l’administration pour faire abouti leur dossier. C’est un travail de longue haleine pour ces militants infatigables. "Monter un dossier de financement, c’est un chemin de croix." raconte Vincent. "Il faut 7 aller-retours avec la préfecture pour faire aboutir un dossier pour conventionner le logement et avoir le droit de toucher les subventions. Et il faut le faire pour chaque projet. Comme ils s’arrêtent dès qu’il y a un problème, on y va et on attrape la personne en direct pour lire l’ensemble du document. Du coup, on gagne un mois. Les bénévoles sont des anciens architectes, ingénieurs ou financiers, ils sont capables d’affronter les administrations."
Pour assurer la gestion locative, l’association n’a pas trouvé d’application adaptée à ses contraintes. Qu’à cela ne tienne, Vincent, le président, ancien informaticien a développé une application spécialement pour l’équipe d’Isabelle.
Mais la débrouille quotidienne rencontre aussi des limites comme le raconte Vincent : "On était obligés d’attendre d’avoir de l’argent pour investir. Du coup on faisait qu’une opération par an. Solifap nous permet de faire des opérations dans un territoire où le foncier coûte très cher. C’est indispensable. Leur participation aux projets nous permet de faire des opérations qu’on ne pouvait pas envisager." 3 projets ont été réalisés en collaboration et l’achat du foncier par Solifap accélère la production pour l’association ce qui leur permet d’atteindre leurs objectifs fixés dans le cadre de leur agrément de maître d’ouvrage d’insertion.
Comme dans la plupart des projets, l’action de Solifap ne se limite pas à un investissement financier mais apporte aussi à l’association un accompagnement personnalisé. Vincent précise "Solifap, c’est un levier pour l’achat du foncier, mais aussi une ouverture. Ils nous ont conseillé de nous affilier à la FAPIL. On est entrés dans le cercle de la maitrise d’ouvrage d’insertion. Ça nous a sorti de notre petit train-train. On s’est retrouvés face à des professionnels qui nous donnent des conseils mais qui nous laissent nous débrouiller, qui nous laissent notre responsabilité. Solifap a énormément poussé notre développement, notre vitesse de développement est multipliée par 2 ou 3." Un développement qui allie l’engagement, l’empathie propre au bénévolat et une manière d’intervenir qui se professionnalise pour améliorer son efficacité.
Solifap porte 3 projets avec Un Toit :