Gulcan Guler est la directrice de l’AIVS HH Gestion Alsace. Depuis 2018, elle remue ciel et terre pour financer la rénovation d’un immeuble de 8 appartements, situé à Schiltigheim, à 2 minutes à pied de la gare de Bischheim et à proximité immédiate des services et des commerces.

"On avait cet immeuble en gestion, que le propriétaire voulait vendre" raconte Gulcan Guler. "Ça voulait dire que les locataires allaient être congédiés à l’issue de leur bail. On ne pouvait pas s’y résoudre. Et puis les petits logements sont rares dans notre territoire. Là, on a 8 deux-pièces dans le même immeuble. On voulait que ces appartements restent des logements sociaux."

L’AIVS HH Gestion Alsace, qui adhère au réseau Fapil, se tourne alors vers Solifap pour l’achat du bien. Gulcan Guler met en lien le propriétaire et Solifap. L’AIVS fait faire une étude d’opportunité. Un ingénieur réalise également une estimation rapide du montant des travaux de base à prévoir et la transaction a lieu. Solifap est propriétaire du bien et en confie la gestion à l’AIVS. L’immeuble acheté, la décision de lancer les travaux nécessaires à la réhabilitation est prise et une nouvelle étude des travaux réalisée, plus précise, est réalisée.

L'immeuble dans l'attente de sa rénovation.

"On ne s'attendait pas à ce montant de travaux"

A ce moment-là, la situation se complique, raconte Gulcan Guler. "On savait qu’il fallait faire des travaux prioritaires, un expert avait estimé ces travaux de base à 150 000€. Solifap l’avait intégré dans ses calculs et c’était possible d’acheter. Et une fois que l’acquisition a été faite, on a fait faire une estimation et on était à beaucoup plus, autour de 660 000€ HT avec certains travaux réalisables à moyen terme. On ne s’attendait pas à ce montant. Les travaux devaient être échelonnés. On savait que Solifap avait prévu 150 000€ dont un peu plus d’un tiers pris en charge en subvention par l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat."

Avec près de 660 000 euros de travaux à réaliser, même à moyen terme, le projet n’est plus équilibré pour Solifap : jamais les loyers faibles de ces logements sociaux ne permettront d’équilibrer l’opération. L’AIVS HH Gestion Alsace se tourne alors vers la seule solution possible : chercher de nouveaux financements pour prendre en charge ces travaux.

"Ça s’est fait de fil en aiguille, parce qu’on est bien inscrit dans le réseau » raconte Gulcan. « On a échangé avec l’Eurométropole de Strasbourg pour calculer l’éligibilité aux aides de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat. Action Logement a lancé son dispositif Louer pour l’emploi qui prend en charge des travaux sur les logements sociaux. J’ai demandé : est-ce que Solifap est éligible ? Ça a été validé par le siège. On avait 80 000€ supplémentaires. C’étaient des tableaux à n’en plus finir… On a attendu un changement de législation pour que les 10 000€ par logement deviennent 15 000€. C’est bon, on avait bouclé notre budget. Mais ça a pris 2 ans !"

L’acquisition du bien a eu lieu en octobre 2018 et les travaux ont commencé en janvier 2021. Au programme de ces gros travaux : ravalement des façades et isolation par l’extérieur, modification de la toiture, changement des portes intérieures et extérieures, des fenêtres, des chaudière, isolation de la cave. Et les 3 logements vacants ont été repeints et rénovés ce qui permettra de faire une opération tiroir : les locataires pourront déménager dans les logements vacants rénovés et leur ancien logement sera rénové après leur départ pour accueillir de nouveaux locataires. "Ce n’est pas très simple pour les locataires, même si le relogement a lieu dans le même immeuble. Il faut les accompagner et démontrer les aspects positifs, dire qu’il va y avoir des économies d’énergie, donc un impact sur leurs factures." précise Gulcan Guler.

Le ravalement de la façade de l'immeuble est lancé.

"C'est une opération exemplaire"

"On a une agence qui fait preuve de beaucoup de ténacité. Je ne suis pas sûr qu’on aurait pu faire ça sans cette ténacité." précise Suzanne Brolly, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de l’habitat. "C’est une opération exemplaire. Pour plusieurs raisons : d’abord il y a peu d’immeubles privés qu’on arrive à transformer en logements sociaux. Ensuite, on fait ici du logement très social, c’est ceux qui sont le moins produits et pour lesquels il y a beaucoup de besoin. Et c’est important, on le fait en réhabilitant plutôt qu’en détruisant et construisant du neuf, on limite l’empreinte carbone. Les travaux permettent de gagner 80% d’efficacité sur la consommation énergétique."

Pour la directrice, c’est pour mener ce type de projet que le maillage du territoire par des agences immobilières sociales est important. "Je suis arrivée là par hasard," raconte-t-elle. "Je ne me voyais pas forcément travailler dans la transaction, je préfère la gestion. J’avais postulé chez plusieurs administrateurs de biens puis je suis tombée sur cette offre, en agence immobilière sociale. Par hasard, ça collait super bien avec mes valeurs. C’était très frustrant lorsque je travaillais dans une agence immobilière classique de refuser des dossiers parce que les gens n’avaient pas 3 fois le montant du loyer de revenus en CDI. On ne prenait pas encore en compte les APL dans le calcul. Ça me frustrait beaucoup. Pour moi c’était injuste. Ça ne m’allait pas."

Pour Gulcan Guler, les agences immobilières à vocation sociale arrivent comme des roues de secours, une solution complémentaire aux logements sociaux et aux agences immobilières classiques. Elle poursuit : "J’ai fait l’ICH – un titre professionnel de l’immobilier - après mon travail, de 18h à 21h. Ça m’a permis de conforter mes compétences. La vocation sociale, je l’ai appris sur le terrain."

L’AIVS HH Gestion Alsace existe depuis 2011. Sa force réside dans son conseil d’administration composé de personnes principalement retraitées issues de l’immobilier qui ont permis d’étoffer le portefeuille et de développer l’agence. D’abord seule salariée, Gulcan Guler est à la tête d’une équipe de 12 personnes et 3 personnes seront embauchées d’ici à la fin de l’été. Gulcan Guler précise : "On a beaucoup de chance d’être sur un territoire très motivé sur ces sujets-là d’insertion par le logement."

"Les crises que nous vivons accentuent les inégalités et il faut qu’on ait la capacité de produire des logements sociaux, et surtout très sociaux. On a besoin de mobiliser des logements dans le parc privé, de réhabiliter des logements, en particulier ceux qui sont vacants. Pour ça, on a besoin de ce type de structure comme l’agence immobilière HH Gestion, des foncières comme Solifap, pour atteindre nos objectifs." précise Suzanne Brolly.

"Une agence comme la nôtre n’est pas viable si elle n’est pas subventionnée, sachant que les loyers sont très bas, nos honoraires aussi et que notre public a besoin de 2 fois plus de temps. Le fait d’avoir des collectivités, et l’Etat localement, qui sont volontaires, c’est une aubaine." raconte Gulcan Guler. "Certains de nos collègues qui font de l’immobilier social ailleurs en France n’arrivent pas à avoir un rendez-nous, nous c’est le Département qui nous héberge. C’est très important le réseau. Un jour, mon trésorier m’a demandé : "tout le temps qu’on met dans ce projet, est-ce que c’est rentable pour nous, des honoraires pour le temps passé sont-ils prévus ?" C’est sûr que c’est compliqué, chronophage mais voilà ce qui est possible de faire quand on se met tous autour de la table."

En savoir plus sur le projet

Solifap a acheté un immeuble de 8 logements pour une surface de 366,85m2 à Schiltigheim, pour un montant de 560 000€.

Les travaux réalisés s’élèvent à 660 000€ financés par l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat pour 201 308€, par Action Logement pour 120 000€, par l’Eurométropole de Strasbourg pour 74 841€ et par Procivis pour 40 000€.

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